Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'agriculture et de la pêche,
Vu le règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements ;
Vu le règlement (CE) no 1750/1999 de la Commission du 23 juillet 1999 portant modalités d'application du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), modifié par le règlement (CE) no 2075/2000 du 29 septembre 2000 ;
Vu le code rural, notamment son livre Ier et son livre IV, ainsi que les articles L. 313-3 et R.* 313-13 et suivants ;
Vu le code forestier, notamment son livre Ier et son livre V,
Décrète :
Art. 1er. - Une prime annuelle par hectare, destinée à compenser les pertes de revenu découlant du boisement de surfaces agricoles, prévue à l'article 31, paragraphe 1, deuxième alinéa, deuxième tiret du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 susvisé, peut être attribuée dans les conditions fixées par le présent décret.
Art. 2. - Cette prime peut être attribuée :
a) Aux chefs d'exploitations agricoles à titre principal qui ont exploité les terres avant leur boisement, propriétaires des fonds à boiser ou preneurs d'un bail emphytéotique ou fermiers ou métayers ou liés au propriétaire des fonds à boiser par une convention portant sur la création ou l'entretien du boisement. La qualité de chef d'exploitation à titre principal est attribuée aux exploitants qui consacrent plus de 50 % de leur temps de travail à des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du code rural et qui en retirent au moins 50 % de leurs revenus professionnels.
Est réputé exploitant à titre principal le chef d'exploitation qui perçoit les prestations d'assurance maladie du régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles ;
Aux personnes morales de droit privé qui ont exploité les terres avant leur boisement, qui ont un objet agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural, et dont le capital social est détenu pour 50 % au moins par un ou des exploitants à titre principal (propriétaires, locataires ou bénéficiaires d'une mise à disposition des fonds à boiser).
En cas de location aux chefs d'exploitation à titre principal ou aux personnes morales visées au paragraphe précédent, le boisement est réalisé avec l'accord du propriétaire en cas de location et avec l'accord du propriétaire et du locataire en cas de superficies mises à disposition ;
b) A toute autre personne physique ou morale de droit privé, propriétaire de fonds agricoles à boiser qui ne sont pas mis à disposition à titre onéreux en vue de leur exploitation selon les modalités définies dans le livre IV du code rural.
Art. 3. - La prime de compensation de perte de revenu est attribuée pour les boisements réalisés sur des surfaces agricoles. Il s'agit de terres non boisées qui ont fait l'objet d'une exploitation agricole pendant au moins deux années consécutives au cours des cinq années précédant la date de demande de prime compensatrice de perte de revenu et qui figurent alors dans une des catégories suivantes : terres, prés, vergers, vignes, landes, terrains affectés à la culture maraîchère, florale, d'ornementation et pépinières.
Pour bénéficier de l'aide au boisement d'une terre agricole, le projet de boisement devra respecter les conditions d'éligibilité techniques et de superficie définies par l'Etat régionalement ou par une collectivité territoriale.
Les plantations de sapins de Noël et d'espèces à croissance rapide exploitées à court terme ne sont pas éligibles.
Art. 4. - Le préfet de département arrête les conditions particulières départementales, et communales le cas échéant, d'attribution de la prime et son montant en tenant compte des objectifs suivants :
- maintien à la disposition de l'agriculture de terres qui contribuent à un meilleur équilibre économique des exploitations ;
- protection des milieux naturels, gestion équilibrée de l'eau et réduction de l'érosion des sols ;
- maintien de la diversité paysagère ;
- accroissement de la ressource forestière dans le cadre des objectifs fixés par les orientations régionales forestières prévues à l'article L. 101 du code forestier ;
- compatibilité des projets de boisement avec les opérations programmées d'aménagement foncier, ainsi qu'avec le maintien ou l'extension d'espaces de loisirs aménagés.
Il fixe ces conditions après avis de la commission départementale d'aménagement foncier siégeant dans la formation prévue aux articles L. 121-8 et L. 121-9 du code rural.
Il peut fixer des conditions communales particulières pour les communes ayant créé des commissions communales d'aménagement foncier, sur demande de ces commissions et après avis de celles-ci siégeant dans la formation prévue aux articles L. 121-3 et L. 121-5 du code rural.
Pour les communes n'ayant pas encore créé de commission communale d'aménagement foncier, il peut fixer, à la demande du maire ou du secrétaire de la commission départementale d'aménagement foncier, des conditions communales particulières, après avis de la commission départementale d'aménagement foncier siégeant dans la formation prévue aux articles L. 121-8 et L. 121-9 du code rural. Elle doit, avant de formuler cet avis, consulter pour chaque commune en cause :
- le maire ou son représentant ;
- un représentant des exploitants propriétaires ou preneurs et un représentant des propriétaires de biens fonciers non bâtis désignés par la chambre départementale d'agriculture ;
- un représentant des propriétaires forestiers sylviculteurs désigné par la chambre départementale d'agriculture, sur proposition du syndicat départemental des propriétaires forestiers sylviculteurs.
Les conditions particulières définies au niveau départemental ou communal devront être compatibles avec des mesures de réglementation des boisements prises en application des articles L. 126-1 (1o) et R. 126-1 à R. 126-10 du code rural et avec la délimitation des terres agricoles et forestières effectuée en application des articles L. 126-5 et R. 126-30 du code rural.
Art. 5. - En tenant compte des zones sensibles aux incendies de forêt, des dispositifs existants de protection et du possible respect par certains projets de boisement des critères d'éligibilité à la défense des forêts contre l'incendie, le préfet de département arrête les périmètres dans lesquels l'attribution de la prime sera exclue, quelle que soit la situation du boisement au regard des dispositions de l'article précédent.
Art. 6. - Le montant de la prime annuelle est compris entre 50 et 175 Euro par hectare lorsqu'il est versé aux bénéficiaires visés à l'article 2 (b) du présent décret.
Le montant versé aux bénéficiaires visés à l'article 2 (a) du présent décret est le double de celui fixé pour les bénéficiaires visés à l'article 2 (b).
Le seuil financier minimum pour la constitution d'un dossier de demande de prime annuelle est fixé à 100 Euro, sauf pour les projets de plantation de peupliers et noyers éligibles aux aides à l'investissement de l'Etat.
Les montants de prime sont fixés en euros par le préfet, si nécessaire par petite région agricole et par nature de terre, après avis de la commission départementale d'aménagement foncier. Jusqu'au 31 décembre 2001, l'arrêté précise également le montant de la prime en francs, par application du taux officiel et des règles d'arrondissement communautaire. Au-delà de cette date, il est notifié en euros uniquement.
Art. 7. - La durée d'attribution de la prime est fixée à :
- sept ans, pour les plantations de peupliers en futaie ;
- dix ans, pour les plantations de conifères et de feuillus divers ;
- quinze ans, pour les plantations de chênes rouvres et pédonculés et de hêtres.
Art. 8. - Le bénéficiaire de la prime s'engage en contrepartie à ce que les superficies boisées soient entretenues pendant la durée du versement de la prime, conformément au programme d'entretien et de travaux établi et signé par lui, agréé par l'administration préalablement à l'attribution de la prime. Il s'engage par ailleurs à informer au plus tard sous trois mois la direction départementale de l'agriculture et de la forêt ou, dans les départements d'outre-mer, la direction de l'agriculture et de la forêt dont il relève de toute carence dans le respect des engagements mentionnés ci-dessus, sous peine de s'exposer aux sanctions visées à l'article 9.
Il permettra toutes vérifications par les agents des organismes communautaires et nationaux chargés des contrôles administratifs et sur place. Le bénéficiaire ne peut pas refuser un contrôle sous peine de déchéance de ses droits à la prime.
Art. 9. - Si le bénéficiaire ne respecte pas les engagements prévus à l'article 8, le préfet de département, après une éventuelle demande de régularisation ou mise en demeure, prend une décision motivée de déchéance partielle ou totale des droits de l'intéressé. Le bénéficiaire est alors tenu de rembourser tout ou partie de la prime annuelle perçue, actualisée sur la base de l'indice annuel des prix à la consommation de l'ensemble des ménages et majorée de 25 %. Le calcul du reversement de la prime se fait au prorata des surfaces, longueurs et périodes sur lesquelles le non-respect des engagements a été constaté.
Lorsque les seuils minimaux de réalisation fixés au niveau régional ne sont plus respectés, le remboursement de la totalité de l'aide est exigé.
Art. 10. - En cas de constatation d'une fausse déclaration faite par négligence grave, le bénéficiaire en cause est exclu pour l'année civile considérée de toutes les mesures de développement rural prises au titre du chapitre concerné du règlement (CE) no 1257/1999 susvisé.
En cas de fausse déclaration faite délibérément, il en est exclu également pour l'année qui suit.
Art. 11. - Sans préjudice des circonstances concrètes à prendre en considération dans les cas individuels, le préfet de département peut dans les conditions précisées à l'article 30 du règlement (CE) no 1750/1999 susvisé retenir l'un des cas de force majeure mentionnés et ne pas demander le remboursement au bénéficiaire. Les dégâts de gibier peuvent constituer un cas de force majeure.
Art. 12. - Le bénéficiaire de la prime doit respecter les conditions d'éligibilité prévues à l'article 2 pendant toute la durée de l'engagement. Si l'exploitant n'exerce plus son activité agricole à titre principal, le versement de la prime attribuée aux exploitants cesse. Celle-ci ne peut pas non plus être perçue par un exploitant agricole bénéficiant d'une aide à la préretraite. Toutefois, dans ces cas, il peut bénéficier de la prime réservée aux autres personnes physiques ou morales de droit privé pendant la durée du versement restant à courir, si, à l'exclusion des surfaces cédées, louées ou mises à disposition dans le cadre du dossier de préretraite, il reste propriétaire des fonds boisés et s'il conserve la charge de l'entretien du boisement.
Art. 13. - En cas de changement d'exploitant, fermier, métayer ou conventionné, le bénéfice de la prime aux exploitants agricoles à titre principal peut être transféré à un nouveau bénéficiaire.
En cas de cessation de bail, fermage, métayage ou de la convention de mise à disposition et en l'absence de repreneur, le bénéfice de la prime peut être transféré au propriétaire.
En cas de cession des superficies boisées, le bénéfice de la prime peut être transféré à un nouveau bénéficiaire, qui reçoit la prime correspondant à son statut, indépendamment du statut de l'ancien bénéficiaire.
Les nouveaux bénéficiaires doivent souscrire aux conditions et aux obligations résultant de l'attribution de la prime pour la période restant à courir.
Art. 14. - Lorsqu'il est fait application de l'un des modes d'aménagement foncier définis au titre II du livre Ier du code rural, le bénéfice de la prime peut soit être maintenu sur les superficies concernées, sous réserve que le nouveau bénéficiaire souscrive aux conditions et obligations résultant de l'attribution de la prime pour la période restant à courir, soit prendre fin sans qu'un remboursement soit exigé.
Art. 15. - La direction départementale de l'agriculture et de la forêt ou, dans les départements d'outre-mer, la direction de l'agriculture et de la forêt compétente instruit le projet de boisement de terres agricoles. La prime compensatrice de perte de revenu résultant du boisement de ces terres est attribuée et notifiée au bénéficiaire par décision préfectorale.
Tout dossier de demande de prime doit être soumis à l'avis de la commission départementale d'orientation agricole, conformément à l'article L. 313-1 du code rural. Cet avis est consultatif.
Art. 16. - La liquidation et le paiement de la prime sont assurés par le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA).
Art. 17. - Les dispositions du présent décret s'appliquent aux bénéficiaires d'une aide à l'investissement pour les boisements de terres agricoles réalisés après le 1er janvier 2000.
Art. 18. - Le décret no 94-1054 du 1er décembre 1994 relatif à l'attribution d'une prime annuelle destinée à compenser les pertes de revenu découlant du boisement des surfaces agricoles est abrogé.
Art. 19. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre de l'agriculture et de la pêche et la secrétaire d'Etat au budget sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 19 avril 2001.